Présidents du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne | #BWS2023
À une semaine des plénières, les trois présidents nous expliquent leurs rôles respectifs et comment ils abordent cette phase finale du Serious game de la décision européenne.
Quel est votre rôle ? Et en quoi consiste-t-il ? Comment il se différencie des autres présidents?
Dans le jeu j’incarne Roberta Metsola, la Présidente du Parlement européen. C’est essentiellement un travail de coordination au quotidien et de représentation des distendus et consensus qui jalonnent les groupes politiques du Parlement. Concrètement, je dois m’assurer que tous les députés soient au clair avec leurs positions politiques, qu’ils se réunissent régulièrement pour discuter de leurs stratégies et qu’ils comprennent bien les enjeux du texte. En fait, je fais de la coordination à plusieurs niveaux, et c’est ça qui me différencie du Président du Conseil. Lui n’a que 27 états membres sous sa responsabilité, de mon côté, j’ai près de 50 parlementaires d’horizons très différents pour qui je dois toujours être disponible. Je suis donc perpétuellement en contact avec les présidents de partis et de commissions pour toujours savoir tout ce qu’il se passe, c’est la difficulté principale du rôle : toujours tout savoir. Comparé aux autres présidents, je suis surtout la seule qui se doit de respecter scrupuleusement une neutralité exemplaire dans la représentation de l’institution et qui ne peut jamais faire valoir ses propres intérêts.
Holà, je joue l’Espagne qui s’est vue confier la présidence du Conseil de l’Union Européenne. Ce rôle a la particularité d’avoir une présidence tournante, assumée par les 27 États Membres, tour à tour, organisés en trio de présidence. Il est l’organe institutionnel qui représente l’intérêt des États Membres, notamment au travers des représentations permanentes (qui siègent au COREPER).
Ce rôle est assez unique puisqu’il implique de maitriser différents aspects du jeu. Je suis à la fois un État Membre qui défend ses intérêts sur la question migratoire, et le représentant de l’institution dans sa globalité, ce qui implique une certaine impartialité.
Pour la Brussels’ World Simulation, je joue le rôle d’Ursula von der Leyen qui est la Présidente de la Commission européenne depuis 2019. Dans ce jeu, je suis accompagné du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de 4 Commissaires, de la directrice du cabinet de la Commissaire aux affaires intérieures, du chef du service du porte-parole et du service juridique composé, à lui seul, de 7 personnes. Mon rôle consiste à piloter cette équipe, à organiser et à animer les réunions, à donner les grands axes de travail, à mener les consultations, à représenter l’institution auprès des autres acteurs européens, à porter la voix de l’Union européenne, à suivre et à défendre la directive « retour » après sa publication ou encore à jouer le rôle de médiateur et de facilitateur entre le Parlement européen et le Conseil lors des trilogues. La Commission européenne étant à l’initiative des textes législatifs, j’ai travaillé avec mon équipe à la rédaction de la nouvelle directive « retour » contrairement à la Présidente du Parlement et au Président du Conseil qui ont travaillé, eux, sur la rédaction d’amendements en tant que co-législateurs. Une autre différence qui me semble importante à souligner est que je pense avoir dû faire face à moins de divergence au sein de mon équipe que les autres Présidents au sein de leur institution notamment à cause des nombreux désaccords politiques.
Comment envisagez-vous les plénières ? Qu’en attendez-vous ?
Roberta Metsola, Présidente du Parlement européen :
La planche de salut et l’échafaud, voilà comment je me représente les plénières depuis le premier jour. On les attend depuis le début du jeu, et en même je sais qu’elles reposent essentiellement sur ma capacité à les orchestrer. Et c’est très angoissant. Je pense que c’est vraiment l’aboutissement de tout notre travail et c’est aussi l’exercice le plus complexe du jeu parce que c’est le seul moment où l’on va réellement pleinement incarner nos rôles. Lors des réunions de partis ou de la rédaction des amendements, on se comporte de façon informelle entre nous, et même si nous faisons le même travail que les vrais eurodéputés, nous ne l’effectuons pas dans les mêmes conditions. Le fait de se retrouver dans un espace physique dans les positions de nos rôles change toute la donne sur les enjeux. Les plénières constituent le test ultime pour voir si j’ai vraiment cerné le rôle ou non. C’est une manière de me prouver que je suis capable d’exercer un rôle sur lequel pèsent autant de responsabilités et qui nécessite beaucoup de préparation en amont. Et pour quelqu’un qui n’est pas à l’aise à l’oral naturellement, je dois bien admettre que je vais être poussée dans mes retranchements, et que ce sera aussi l’occasion de me faire sortir de ma zone de confort.
Espagne, Présidence du Conseil de l’Union Européenne :
J’ai hâte d’être aux plénières qui sont l’aboutissement des différentes phases du jeu qui s’étalent sur presque trois mois. Les plénières sont le moment où chacun incarne son rôle immergé dans un environnement qui recrée au plus proche du réel le processus législatif européen. C’est un moment important d’autant que le jury est présent et évaluera les prestations des joueurs. C’est aussi l’occasion de partager plusieurs journées avec l’ensemble des joueurs et de rencontrer ceux qui sont dans d’autres établissements et qui suivent le jeu de plus loin. Je pense que ce sera un bon mélange de moments sérieux où chacun est concentré et d’autres plus légers où tout le monde échange.
Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne :
Pour ma part, je suis impatient de commencer les plénières car elles représentent la concrétisation de tout notre travail depuis le début du jeu. J’ai évidemment de nombreuses attentes, questions et incertitudes concernant ce moment que je vois plutôt comme très formel. Mais je pense que tous les participants, réunis ensemble pour la première fois, seront de bonne humeur et plongés dans l’ambiance de la simulation. Je m’attends ainsi à ce que ces plénières soient aussi captivantes qu’intenses. Cependant, je suis évidemment stressée, par nature mais aussi par le rôle que je joue qui me pousse à être sur le devant de la scène. Je devrai par exemple faire plusieurs discours lors des sessions plénières du Parlement et du Conseil. Mais j’ai également des appréhensions quant à l’adoption de la directive « retour ». Nous ne sommes pas à l’abris de rebondissements… Pour terminer, ces plénières me rappellent d’autres expériences, comme ma participation à plusieurs simulations d’Assemblée générale des Nations-Unies même si, pour être honnête, je n’en ai jamais faites des aussi bien organisées et dans des hémicycles départementaux ou régionaux.
En tant qu’étudiant, qu’est-ce que le BWS et votre rôle vous ont apporté ? Dans la compréhension du processus décisionnel européen, du pacte ?
Roberta Metsola, Présidente du Parlement européen :
Du bonheur et du stress. C’est un plaisir d’incarner un rôle comme le mien parce que j’apprécie sincèrement les difficultés qui l’accompagnent, mais aussi parce que ça facilite drastiquement la compréhension de la réalité. La force de BWS réside dans sa capacité à faire comprendre aux étudiants ce que des heures et des heures de cours sur le sujet ne parviennent pas à faire : comprendre en détail le processus décisionnel européen dans toute sa complexité.
Du point de vue purement développement personnel, je pense que le jeu m’a poussé à remettre en question mes acquis sur la dimension relationnelle. J’en ai plus appris sur la gestion d’une équipe alors que je pensais déjà tout savoir, d’autant plus que la responsabilité n’est pas la même pour dix que pour près de cinquante personnes. Plus encore, le jeu nous pousse à être très réactif, attentif aux autres, à poser sans cesse des questions, et surtout à réfléchir aux vrais enjeux de la question sur laquelle on travaille et aux conséquences de l’application du texte que l’on contribue à créer.
Espagne, Présidence du Conseil de l’Union Européenne :
Beaucoup de stress, surtout dans les dernières semaines. Le BWS est une forme innovante d’apprentissage qui dépend beaucoup de l’investissement des joueurs. Pendant toute la durée du jeu, on rencontre des étudiants qui s’intéressent aux questions européennes, et on discute des différents aspects et enjeux du scénarios selon les catégories de rôles. Au final, c’est autant un apprentissage personnel que par les pairs.
Pour ce qui est de la Présidence je dirais qu’elle s’accompagne d’un rôle logistique important. On doit organiser différentes réunions, trouver les réponses aux questions des autres États Membres, veiller à ce que tout le monde avance, faire le lien avec le Service Juridique, discuter avec les autres présidents… D’un autre côté, c’est un rôle privilégié pour comprendre l’entièreté du processus décisionnel européen puisqu’on participe à chaque étape et on les organise. Si on ajoute le fait que je joue également le d’un État, je finis par avoir un regard national sur le Pacte Migratoire qui se recoupe avec le regard de l’institution européenne qu’est le Conseil.
Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne :
Je pense que le BWS m’a beaucoup apporté, à la fois d’un point de vue intellectuel, professionnel et personnel. Cette simulation offre une vue d’ensemble du processus législatif européen et permet de mieux saisir le rôle et les enjeux de chaque acteur. Jouant le rôle de la Présidente de la Commission européenne, j’ai été d’autant plus immergée au cœur du jeu et de la bulle européenne. Grâce à cette expérience, j’ai mieux compris certains rouages de la fabrique des politiques européennes, les différents types de législations européennes et la façon de les rédiger ou encore la complexité de la recherche du compromis qui s’est notamment illustrée lors des trilogues. Au-delà de la meilleure compréhension du jeu institutionnel, cette expérience m’a donné l’opportunité d’en apprendre davantage sur le pacte sur la migration et l’asile et en particulier sur la directive « retour ». Toutes les recherches que j’ai menées, autant sur le texte que sur les différents acteurs, ont été très intéressantes et stimulantes. Je pourrais presque dire que je connais la directive « retour » sur le bout des doigts, au point d’en oublier que celle rédigée dans le cadre de la simulation n’est pas celle qui sera réellement votée. Enfin, je dirais que ce jeu est avant tout une aventure humaine très enrichissante. Il permet de rencontrer de nouveaux étudiants, d’explorer de nouveaux horizons, de partager des idées et des connaissances avec des personnes passionnées et passionnantes. À cela s’ajoutent bien-sûr le renforcement de nombreuses compétences personnelles comme l’esprit d’équipe, la capacité à gérer une équipe, le sens des négociations et du compromis ou encore la confiance en soi. Je suis donc ravie de participer au Brussels’ World Simulation organisé par Sciences Po Aix.