Professeur invité

Berny Sèbe

Professeur des Universités à Birmingham

Professeur invité à Sciences Po Aix ce printemps, Berny Sèbe est Associate Professor en études coloniales et post-coloniales, à l’Université de Birmingham (Royaume-Uni). Il revient ici sur son parcours d’enseignant entre Aix et Birmingham ainsi que ses spécialités : les questions relatives à la colonisation et à la décolonisation.

Pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour à toutes et à tous ! Je suis docteur en histoire coloniale et du Commonwealth de l’Université d’Oxford, et “associate professor” en études coloniales et postcoloniales à l’Université de Birmingham, où j’enseigne l’histoire des empires à des étudiants de premier et de second cycle, mais aussi en tant que directeur de thèse, avec près d’une trentaine de doctorants à mon actif jusqu’à présent.

Mon intérêt pour ce thème vient du fait que, au cours des deux derniers millénaires, les empires, Européens mais aussi non Européens, ont probablement été le mode de gouvernement le plus répandu sur notre terre. Pour prendre les exemples les plus récents, l’époque contemporaine a été témoin de l’hégémonie de l’empire britannique, remplacée au XXe siècle par son héritière, les États-Unis d’Amérique. Le processus de décolonisation, échelonné entre la fin du XVIIIe et le milieu du XXe siècle, a façonné le monde contemporain tel que nous le connaissons : au-delà de tout jugement moral, les empires nous permettent d’explorer notre ADN politique, économique et culturel – les trois vont de pair.

En parallèle de mon travail d’historien, je suis aussi un photographe semi-professionnel, spécialisé dans les espaces désertiques. Dans le cadre de certains projets, comme mon étude du rôle des fortifications dans les processus de conquête et d’administration coloniale des espaces désertiques, ces deux activités se révèlent complémentaires.

Pourriez-vous nous parler de l’Université de Birmingham ?

L’Université de Birmingham est une institution qui s’emploie à incarner la tradition d’excellence universitaire britannique, ouverte sur le monde, cosmopolite, innovante et soucieuse du bien-être de ses étudiants. Elle reflète les idéaux progressistes et humanistes de son fondateur, Joseph Chamberlain, par ailleurs responsable d’un plan de modernisation sans précédent de la ville de Birmingham, qui en a fait la première université civique du Royaume-Uni, c’est-à-dire une institution qui admet les étudiants sans distinction d’origine ou de religion. Le College of Arts & Law, auquel j’appartiens, est l’un des cinq Colleges qui constituent l’université ; il réunit toutes les sciences humaines.

Comment expliquez-vous votre appétence pour les questions relatives à la colonisation et à la décolonisation ?

À mes yeux, le passé colonial constitue un prisme indispensable pour comprendre le monde actuel. Qu’il s’agisse des dynamiques linguistiques mondiales, des rapports de force internationaux ou des événements qui marquent notre quotidien, les empires, lointains ou récents, offrent une grille de lecture fondamentale pour analyser, décrypter et peut-être aussi anticiper le cours du monde. Par exemple, si l’on se penche sur les racines du conflit actuel en Ukraine, on découvre rapidement un élément déterminant : la notion d’empire russe, dont la conception remonte à Pierre le Grand et qui a contribué à cimenter la nation russe contemporaine, souvent au détriment de peuples voisins tels que les Ukrainiens, offre une clé de lecture d’autant plus pertinente que la principauté médiévale de la Rus’ de Kiev est considérée comme le berceau de la Russie, nourrissant l’argument – spécieux dans les circonstances actuelles – d’une fraternité entre Russes et Ukrainiens. L’Ukraine met en lumière des connexions souvent oubliées entre l’empire de Pierre le Grand et celui de Poutine, avec évidemment, entre les deux, l’empire soviétique – qui ne devait pas en être un, tout en l’étant !

Vous venez régulièrement rencontrer les étudiants de Sciences Po Aix, qu’appréciez-vous particulièrement dans cette démarche de professeur invité ?

J’apprécie particulièrement la solide formation intellectuelle et la curiosité des étudiants que je rencontre à Sciences Po Aix : cette nouvelle génération est préparée pour comprendre notre monde, ses dangers mais aussi les occasions qu’il offre. Les échanges qui ponctuent le cours que je donne en anglais, intitulé « Shaping Global Power : The British Empire, From America, Asia, Australia and Africa to Brexit » sont fascinants. Les étudiants perçoivent le sens de la trajectoire coloniale britannique sur trois siècles, du « A » des quatre continents principaux sur lesquels le « Union Jack » a flotté, au phénomène plus récent du « B » – c’est-à-dire le Brexit, dont certains traits tendent à indiquer qu’il serait une tentative de revanche face au déclassement ressenti, mais mal accepté, de la puissance britannique.

L’autre privilège du professeur invité à Sciences Po Aix, c’est de pouvoir rejoindre une équipe de recherche dynamique et pluridisciplinaire, constamment soucieuse de mener une recherche fondamentale rigoureuse tout en privilégiant la contribution sociétale qu’elle est susceptible d’apporter. Les échanges scientifiques auxquels j’ai le loisir de prendre part à cette occasion, notamment autour de Walter Bruyère-Ostells et son équipe, font de ce séjour un grand moment de l’année universitaire pour moi.

Aussi, je me réjouis de profiter de ce séjour pour répondre aux questions d’étudiants qui envisagent de passer à Birmingham leur semestre à l’étranger, donc n’hésitez pas à vous mettre en rapport avec moi si vous souhaitez en savoir plus sur Birmingham, ou sur l’histoire coloniale et post-coloniale : b.c.sebe@bham.ac.uk.