Accueil Portraits Manon Deshayes
Alumni

Manon Deshayes

Diplômée en 2018 de Sciences Po Aix du master Expertise en Affaires Internationales, Manon Deshayes travaille aujourd’hui dans la capitale de l’Union Européenne. Faire ses premiers pas professionnels à Bruxelles lui ont permis de se lancer dans une carrière militante, puisqu’elle est à présent « climate campaigner » au sein du Groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen.

Quels ont été vos premiers pas dans la sphère professionnelle ?

Lorsque j’étais sur les bancs de notre Bonne Maison, j’avais déjà une réelle attirance pour la communication. J’ai réalisé mes stages de troisième année dans ce domaine : d’abord à l’Alliance Française de Calgary au Canada, puis dans l’entreprise d’immobilier Empresas Bern au Panama.

Toutes ces expériences m’ont confirmé dans ma volonté de travailler dans un espace de contact et d’échange. Des exercices “100% Sciences Po”, comme le Grand Oral par exemple, m’ont permis d’être à l’aise devant un auditoire, aspect essentiel de mon métier actuel.

Je n’avais pas vraiment cette volonté de travailler dans l’Union européenne, et j’ai fait le choix du master EAI car je n’étais pas certaine de ce que je voulais faire et je considérais qu’il s’agissait du master le plus large. Par la suite, j’ai envoyé de multiples candidatures pour mon stage de 5A, notamment au Conseil de l’Union européenne. Monsieur Aldrin m’en voudrait certainement, puisque je n’étais même plus sûre de ce qu’était le Conseil.

J’ai pourtant réalisé mon stage de fin d’études en “policy” au secrétariat général du Conseil de l’Union Européenne à Bruxelles, dans l’unité “droits fondamentaux”. J’ai aidé à faire de la recherche et de la préparation de notes en lien avec les droits humains et notamment la convention d’Istanbul.

À l’époque, l’Union Européenne était sous présidence bulgare, ce qui a rendu cette expérience d’autant plus intéressante. Pendant toute la durée de mon stage, j’ai aussi découvert une association qui m’intéressait : c’est tout naturellement que j’ai commencé à m’intéresser aux ONG.

Comment s’est passé votre parcours dans les Organisations Non Gouvernementales ?

Lorsque je suis arrivée à Bruxelles, je n’avais pas forcément pour objectif d’y rester. Mais la vie étant imprévue par essence, de nombreuses opportunités professionnelles m’ont convaincues de m’y installer plus durablement.

Après un été de césure à Paris, j’ai intégré un nouveau stage de six mois à Bruxelles dans l’association qui avait attiré mon regard : le lobby européen des femmes. Mon rôle était d’appuyer leur campagne associative pour 2019, sur des questions de prise de décision et d’émancipation des femmes. L’expérience a été un peu particulière, puisqu’au bout de deux mois ma directrice s’est mise en congé maladie, et j’ai alors dû reprendre la direction de la campagne.

L’expérience a été particulièrement formatrice, et cette prise subite de responsabilités m’a obligée à rester plus longtemps que prévu. J’ai également travaillé sur le portefeuille “violence sexiste”, notamment dans le cadre de “Pékin + 25”, un processus de formation de coalitions d’actions au niveau des Nations Unies.

En l’espace de 2 ans et demi seulement, je suis passée de stagiaire à assistante, puis à “Junior policy advocacy officer”, et enfin à “Policy advocacy officer”. J’ai quitté mon poste au milieu de la pandémie de Covid, avant de trouver un emploi au Forum européen. J’ai intégré le secrétariat de l’association, qui fait office de rapporteur entre le niveau national et européen et qui se charge du plaidoyer auprès des instances européennes. Mon poste était davantage centré sur des questions d’intégration économique et sociale, avec comme sujets le travail de plateforme (les chauffeurs Uber par exemple) et le revenu minimum. J’ai mobilisé les mêmes techniques en tant qu’officier de plaidoyer politique, mais sur des expertises différentes.

Je n’ai jamais voulu être experte sur quelque chose : j’aime bien m’occuper de plusieurs sujets à la fois, c’est précisément ce que trouve le plus intéressant. Cependant, je n’y suis restée qu’une année et demi, en quête de nouveaux défis.

Comment s’est déroulée votre prise de poste en tant que militante écologiste chez “les Verts” ?

J’ai trouvé un poste au Groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen : c’est également intéressant, car je passe d’une ONG, cherchant à influencer les politiques européennes, à une position d’influencée.

Je travaille en tant que renfort de la campagne, dans l’équipe du groupe, et pas seulement pour un seul député. Nous avions alors neuf sujets différents : le féminisme, la biodiversité, le climat, etc. Le principe est de parvenir à coordonner les différents députés en fonction de leur sujet d’intérêt, afin de positionner le groupe sur les différents sujets, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur.

Puis, un nouveau coup du sort m’a placée directement militante écologiste au lieu d’être seulement en renfort, à cause de (ou grâce à) un congé maladie, qui s’est transformé en démission de ma collègue. J’ai alors été renouvelée à la fin de mon contrat afin d’être officiellement militante. Je traite désormais de sujets davantage environnementaux, comme la COP par exemple.

Lors d’une journée-type, je coordonne les différents services (les députés, la communication, les autres militants, etc.) par le biais d’e-mails ou d’échanges autour d’un café. Je peux aussi être mobilisée pour résoudre “une petite bêtise” ou encore commander de la marchandise de communication pour en avoir d’avance sur la campagne.

Ce que j’aime bien dans le fait d’être “campaigner” c’est l’aspect polyvalent du poste : je participe autant à la stratégie qu’à la coordination, la communication, etc.

Pouvez-vous nous décrire la réalité du travail au sein d’une ONG ?

Comme je l’exprimais juste avant, j’apprécie cet aspect de coordination, de “touche-à-tout”, ainsi que le fait d’être au cœur des rouages politiques européens. Je pointe cependant du doigt des particularités du travail en ONG qui peuvent davantage présenter de difficultés, comme de travailler politiquement avec des personnes qui n’ont pas les mêmes avis que les vôtres.

De plus, il y a un problème assez structurel à Bruxelles, et plus généralement dans les ONG, qui est la charge de travail. On est dans une ville qui a découvert la notion de santé mentale il y a 3 ans et qui, du coup, va placer des meetings de 2 heures sur la santé mentale alors que l’équipe est déjà en cours de travail. J’explique ainsi avoir un volume horaire qui va davantage de 37 heures et demi à 40 heures par semaine.

Cependant, j’observe une culture de travail à Bruxelles qui me plaît, puisqu’elle est flexible, c’est-à-dire qu’on ne va pas être sur ton dos pour que tu sois là à 8 heures pile. Le télétravail est plus admis qu’en France, et il y a moins de micro-management.

Par contre, j’admets que notamment en ONG, parce qu’il y a peu de moyens et de nombreuses sollicitations, cela peut être parfois intense. Et parfois, on est une personne sur un poste alors qu’il devrait y en avoir deux. Il y aurait également un problème de stages qui sont surtout des emplois de façon pratique. J’ai déjà fait un stage en dehors de mes études, en relation avec le lobby des femmes qui n’était pas très bien payé.

Aujourd’hui, et après m’être battue pour la transparence des salaires en Union européenne, j’explique bien gagner ma vie. Au Parlement, on ne paie pas d’impôts quand on est un membre de staff. J’ai également bénéficié d’une aide de 600€ par mois, destinée aux actifs à Bruxelles qui travaillent dans les institutions européennes depuis moins d’un certain nombre d’années. Et là j’ai changé de grade, aussi, donc je suis autour de 3004€ net.

Enfin, que souhaitez-vous dire aux étudiants de Sciences Po Aix ?

En arrivant à Bruxelles, je me disais “j’ai un master, je parle trois langues, c’est bon…”. Or, la majorité des gens ont deux masters et parlent quatre langues. Il y a une concurrence, et on ne va pas forcément créer un emploi rien que pour nous.

Nous autres, étudiants de Sciences Po Aix, nous avons un profil qui marche beaucoup pour des postes de manager, puisque nous avons une vision holistique. Ainsi, cela peut être un peu frustrant en début de carrière d’avoir du mal à trouver ce genre de position parce qu’on recherche des gens qui sont un peu plus spécialisés, mais ces positions existent bien : dans mon domaine, il y a tellement d’ONG qu’il ne faut pas seulement se centrer sur un seul sujet.

Me concernant, le sujet des droits des femmes m’intéresse beaucoup, mais il n’y a pas foison d’organisations traitant de ce sujet. Toutefois, il est toujours possible d’apporter une vision féministe dans des organisations ouvertes à ces nouveaux sujets.

Aussi, amusez-vous !

Si la vie étudiante peut être stressante, la vie professionnelle l’est encore plus. Essayez de tirer le maximum de votre vie étudiante, et vous ne pourrez qu’apprécier le chemin parcouru.