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Kristine DRULLION

Diplômée en 2004, une chose est sûre : Kristine Drullion n’a pas chômé. Désormais en charge de la stratégie et de l’activation de la marque LVMH, ou Corporate Brand Strategy & Activation Director, elle a connu une véritable ascension professionnelle dans le domaine de la communication. Comme elle nous le conseille aujourd’hui, elle a su saisir les opportunités qui se présentaient à elle et, avant tout, suivre son instinct.

Votre choix d’orientation a-t-il été difficile ?

Plutôt oui ! Pourtant, à l’entrée de Sciences Po Aix, j’avais le profil de la formation par excellence : tiraillée entre de multiples centres d’intérêts. Si le journalisme m’a en premier lieu attirée à Sciences Po Aix, j’hésitais aussi à la sortie du BAC avec la recherche en biologie ou l’histoire de l’art et l’archéologie. Je me suis même imaginée à un moment présenter un dossier pour l’école de cinéma de la FEMIS… beaucoup d’ambitions qui se sont affinées au fil d’échanges avec d’anciens étudiants du réseau Alumni.

Fascinée par des enseignements comme la philosophie politique, la géopolitique, la sociologie, après une année d’échange à McGill University au Canada, je me suis ensuite orientée vers la section « sciences politiques » de l’École, attirée par le travail de recherche dans ce domaine. J’ai donc continué à creuser mon projet professionnel, et très intéressée par les enjeux d’Opinion, j’ai tenté le concours du CELSA dont j’avais entendu parler par le biais d’une amie. Étant reçue au concours, j’ai donc terminé donc ma formation académique à Paris de 2004 à 2005 au sein du Master Communication des Entreprises et des Institutions du CELSA Sorbonne Université.

Un démarrage dans le digital et une rapide ascension professionnelle avec passage à l’international

J’ai commencé ma carrière en Communication institutionnelle et des entreprises par un stage à Paris chez TBWA\Corporate\NonProfit, où je travaillais notamment sur des activations liées au soutien de la Lyonnaise des Eaux à la candidature de Paris 2012 pour les Jeux Olympiques.

Puis, à la recherche d’une expérience plus exotique, je suis partie au Mexique où j’ai trouvé un poste en Communication & Marketing à la direction commerciale de la filiale mexicaine d’Essilor. Cela m’a permis de me former au Digital sur le terrain, avec la création de sites web pour promouvoir les deux marques phares de l’entreprise ainsi que des programmes de fidélisation.

Après cette année à l’étranger, j’ai été embauchée en 2006 au sein de l’entreprise de services du numérique Capgemini. Ma prise de poste à la communication digitale du siège Monde et mon évolution se sont déroulées en même temps que le « boom Internet », à l’époque où Facebook n’était disponible que sur quelques campus américains, dont Harvard. D’un poste de webmastering, le rôle est rapidement devenu un poste de direction éditoriale et de coordination mondiale de l’expression digitale de la Marque, tant sur les sites du groupe, que sur sa dimension média et publicitaire. 

Au gré des évolutions de l’organisation, mes fonctions se sont peu à peu élargies, et j’ai alors pris en charge tous les volets digitaux des campagnes de communication mondiales qui m’ont amené à collaborer directement avec les directeurs de la communication des différents pays en France, Espagne, Suède, Inde, Etats-Unis, Royaume-Uni etc.

Entre 2008 et 2010, en parallèle de ce travail, le développement des réseaux sociaux et du mobile m’a poussé à élaborer les premières stratégies de marque du Groupe sur ces supports.

Retour en agence chez Havas, puis carrière chez PwC

Après avoir lancé tous ces sujets, j’ai été « repérée » pour intégrer l’agence Havas (anciennement Euro RSCG), à la direction digitale qui vient, à cette époque, de remporter le plus gros appel d’offres de la place de Paris, la refonte globale de tout l’écosystème digital d’EDF B2B et B2C, et qui cherche un coordinateur. Petit à petit, j’ai également travaillé sur des missions pour IBM et PSA Group.

Puis, souhaitant élargir mon terrain de jeu digital, j’ai accepté un poste chez PwC (PriceWaterhouseCoopers) pour prendre la responsabilité de la marque employeur. Mon profil convient alors parfaitement à l’entreprise, car PwC recrute chaque année des milliers de jeunes diplômés et cherche à jouer la carte du digital pour les attirer, tant du point de vue des supports de communication que des campagnes publicitaires 360°. J’ai alors découvert l’étendue du sujet stratégique de la marque employeur pour un Big4, à activer à la fois sur du digital, de l’événementiel, des relations presse, de la création de contenu, de l’employee advocacy etc. 

Je suis resté 6 ans chez PwC et ai exercé 3 postes différents. 

Au retour de mon congé maternité en 2013, PwC m’a proposé de garder mon poste en marque employeur et de prendre en plus celui de responsable de ma communication interne dans un contexte d’élection d’un nouveau président à la tête du Partnership, avec l’enjeu de développer des supports spécifiques pour casser les silos entre les différents métiers et expertises au sein de la structure. J’ai alors vu cette opportunité comme un challenge assez intéressant, parce qu’il s’agissait d’une nouvelle stratégie d’entreprise. J’ai créé le premier Intranet du groupe, le premier réseau social interne, ainsi qu’une stratégie globale de communication interne : par exemple, j’ai lancé les premières émissions digitales internes, où le président venait avec des invités s’exprimer autour de différents sujets, broadcastées en France et en Afrique francophone.

Après avoir mise sur pied cette nouvelle stratégie et suite à des changements d’organisation, la nouvelle directrice de la communication m’a proposé de capitaliser sur mon expertise de marque autour de la marque employeur, pour élargir mon champ d’action et devenir Directrice de la Marque PwC sur le périmètre France et Afrique Francophone. Dans ce nouveau rôle, j’ai alors lancé l’initiative « Let’s Go France » notamment, pour positionner PwC comme acteur de soutien à l’écosystème entrepreneurial français.

Pendant mon second congé maternité, je me suis fait repérée par LVMH, et ai décidé de tenter l’aventure du Luxe pour travailler sur des problématiques de communication Corporate à forte visibilité et impact.

Comment avez-vous participé au développement de LVMH en tant que marque corporate ?

Alors, pourquoi quitter le monde du conseil, me direz-vous ? J’avais travaillé dans beaucoup d’entreprises de conseil, ou directement en tant que consultante moi-même dans des agences. Encore aujourd’hui, j’adore lire des études prospectives par exemple, je trouve ça assez fascinant. Mais j’avais envie de travailler sur des choses moins immatérielles et de me rapprocher du produit, du secteur B2C, de travailler sur les enjeux corporate et d’opinion “grand public” d’une entreprise qui produit concrètement des choses.

Dans mon nouveau poste, d’abord en tant que Head of International Corporate Communications, puis Corporate Brand Strategy & Activation Director,  j’ai dirigé et supervisé avec mon équipe de nombreux projets 360°, par exemple les « Journées Particulières », un dispositif de communication intégrée (campagne 360° et événement mondial) qui n’a lieu que tous les 2 ans, et qui ouvre gratuitement pendant 3 jours dans 15 pays, plus de 90 lieux de savoir-faire (des ateliers, des studios, des lieux patrimoniaux, ou de production) au grand public.

Chez LVMH, j’ai pu appliquer mon expertise sur six secteurs d’activités différents : la mode et maroquinerie, les parfums et cosmétiques, les montres et joaillerie, les hôtels de luxe, ou encore les vins et des spiritueux !

Ce qui m’a fascinée, c’était de donner à voir toute la partie invisible du luxe qui recèle des richesses incroyables : le sourcing des matières premières, le travail artisanal, le travail de la terre, la diversité des métiers et des talents créatifs. Et ce que je trouve encore plus fascinant, c’est que quand on achète, vous ou moi, une bouteille de champagne, on ne voit en fait que 2 % du travail. Les 98 % restants, tout le travail amont, est invisible. Or c’est dans tout ce temps long de l’ombre que l’on retrouve pourtant ce qui fait l’excellence du produit, et ce qui fait aussi la preuve des engagements environnementaux, sociaux, ou encore les capacités d’innovation du Groupe. C’est enfin dans ce travail amont que l’on peut vraiment toucher du doigt les valeurs de quête d’excellence, de créativité, et d’esprit entrepreneurial qui animent les Maisons du Groupe. C’est donc là qu’il y a des histoires assez intéressantes à raconter en communication.

Quel est votre “journée-type” aujourd’hui ?

Une journée-type, ça n’existe pas ! Difficile de s’ennuyer lorsque je suis souvent assignée à des dizaines de projets de front chaque jour, à différents stades de maturation. Selon moi, il s’agit d’avoir à la fois une vision stratégique de long terme pour planifier au mieux les choses, mais aussi une agilité réelle dans le temps court pour adapter les plans au mieux, et s’assurer que cela ait du sens, tout en restant dans l’excellence de l’exécution. Dans le Luxe, nous n’avons pas vraiment de marge d’erreur possible : il y a un fort degré d’exigence dans tout ce que nous faisons, de la stratégie à l’exécution. Il faut donc beaucoup anticiper, mais aussi être très agile pour trouver les meilleures solutions possibles quand le contexte nécessite des ajustements rapides

Mon équipe et moi travaillons sur diverses thématiques qui animent la marque : l’environnement, la créativité et le savoir-faire artisanal, la diversité et l’inclusion, la responsabilité sociétale, …. Dans ce cadre, je supervise également des partenariats, à l’instar de celui avec l’UNESCO sur le « Man and Biodiversity Program », et surtout, celui des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

On travaille avec des gens très inspirants et passionnés, il y a souvent des confrontations d’idées très fructueuses qui nous permettent justement de nous réinventer constamment. C’est très riche comme matière. Et nous avons aussi l’immense chance de pouvoir faire appel aux meilleurs !

Je viens, par exemple, de superviser l’organisation d’un événement sur le sujet de la diversité et de l’inclusion, avec une participation de Pharrell Williams en tant que président de jury, d’une slameuse indienne, ou encore de danseurs de la compagnie de Mehdi Kerkouche. Et dans le cadre des Jeux de Paris 2024, mon équipe et moi travaillons avec des sportifs tels qu’Enzo Lefort, Léon Marchand ou Pauline Déroulède.

Quelle est la recette d’un tel succès ?

Avec une mention “Très Bien” au Baccalauréat, major de promo à Sciences Po Aix, puis au Celsa, j’explique mon parcours par mon état d’esprit, associé à une curiosité naturelle, une soif d’apprendre, également de mes erreurs, et enfin un goût du challenge.

Cependant, malgré l’impression d’être partout à la fois, j’aime me plonger profondément dans les sujets pour les comprendre de A à Z : je disais au début que je voulais être initialement journaliste, chercheuse ou archéologue, donc ce goût d’aller au fond des choses, j’ai vraiment ça en moi !

Si la communication n’est pas une matière scientifique, cela reste complexe de trouver la bonne façon de communiquer, justement parce qu’il n’y a pas de théorie. Selon moi, c’est avant tout une histoire de bon sens, où le relationnel compte énormément.

Après un certain nombre d’années d’expériences, ce n’est plus les compétences techniques qui priment, car elles doivent déjà être intégrées, mais bien les éléments relationnels, la capacité à embarquer les gens, à raconter une histoire qui fait que les gens ont envie de suivre un projet et de s’y impliquer pour créer quelque chose en commun.

Enfin, lorsqu’on fait de la direction de projet, il est essentiel de comprendre qu’on n’aboutit à rien tout seul. Ce sont toujours des projets collectifs, il est donc essentiel de savoir bien s’entourer, de valoriser les forces de chacun et de s’appuyer dessus.

Enfin, que souhaitez-vous dire aux étudiants de Sciences Po Aix ?

Je n’aime pas trop donner des conseils, parce que ça voudrait dire que je détiens la vérité, mais globalement je crois beaucoup au fait qu’il faut savoir s’écouter. Quand on sort de l’école, qu’on ne sait pas trop ce que l’on veut faire, on peut être amené à faire des mauvais choix parce qu’on focalise sur de mauvais critères, parfois pressé par l’entourage. On peut par exemple être tenté de faire un choix de salaire, en rejoignant l’employeur le plus offrant, mais en risquant d’oublier sur le chemin ce qui vous anime, ce qui vous fait vibrer, ce qui est de l’ordre de l’envie profonde. Je pense qu’il faut vraiment s’écouter, y aller à l’envie, parfois faire des choix de chemins de traverse sans trop réfléchir à ce qui viendra derrière, parce que si on est vraiment passionné par quelque chose, ça se ressent et les opportunités arriveront forcément.

Donc je pense qu’il faut vraiment écouter son instinct, ne pas chercher forcément à cocher des cases. Il faut savoir parfois prendre des risques, sortir de sa zone de confort.

En tout cas, je fonctionne comme ça, à l’instinct, et jusqu’à présent il ne m’a jamais fait défaut.