Étudiant

Hugo Gonzalez

Étudiant - Master Géostratégie, défense, et sécurité internationale en alternance - 2024

Étudiant au sein du Master Géostratégie, Défense et Sécurité internationale de Sciences Po Aix, Hugo Gonzalez vient de publier son mémoire “La Chine dans les ports euroméditerranéens : Pékin, nouvelle Rome dans sa « Mare Nostrum »”, aux éditions l’Harmattan.

Pourriez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours académique ?

Bonjour cher lecteur !

Je me nomme Hugo Gonzalez et j’ai 23 ans. Ces deux décennies, je les ai toujours passées sous le regard avisé et protecteur de la Sainte-Victoire. Né à Aix-en-Provence, je suis en effet un pur produit de la Provence et reste très attaché à cette magnifique région, qui m’a vu naître et tout fait découvrir.

Scolairement parlant, presque l’intégralité de mon parcours s’est effectué localement : école maternelle et élémentaire à Henri Wallon ; collège et lycée au Sacré-Cœur. A l’issue de ces années, j’ai obtenu un baccalauréat scientifique pour poursuivre ce que je pensais être un rêve : devenir médecin. Mais la Première année commune aux études de santé (PACES) à la Timone, à Marseille, m’a découragé. En cours d’année, j’ai donc quitté le cursus pour suivre deux de mes passions : l’histoire et le débat politique, que la présidentielle de 2017 avait déjà bien illuminées. En cela, la providence – sûrement – m’a fait découvrir Sciences Po et le concours commun. J’ai alors décidé de m’y investir sans retenue. Ces cinq mois de travail acharné ont payé : voilà qu’à la rentrée de septembre 2018, j’étais étudiant à Sciences Po Aix, au sein de la nouvelle promotion Frida Kahlo.

A partir de là, comme beaucoup de lecteurs sûrement, j’ai suivi les deux années généralistes sur le campus de Saporta. Pour la troisième année, je faisais partie de la première promotion qui a goûté aux joies du Covid sur l’entièreté de l’année de mobilité. J’ai malgré tout été chanceux. J’ai pu partir à l’université de Turku en Finlande puis, après plus de mille lettres de motivation envoyées, faire trois stages de deux mois chacun : l’ambassade de France à Ottawa, la Chambre des Communes du Canada et l’ambassade du Mexique à Paris. Enfin, retour à Sciences Po Aix pour une quatrième année au sein de Master GDSI. J’ai cependant ressenti le besoin d’une introspection après cette première année de spécialisation, d’où mon actuelle césure en Service civique à Saint-Etienne. J’expérimente un domaine différent quoique palpitant : l’influence et le journalisme digitaux.

Lors de votre Master 1 Géostratégie, défense et sécurité internationale, vous avez réalisé un mémoire intitulé La Chine dans les ports euroméditerranéens : Pékin, nouvelle Rome dans sa « Mare Nostrum », sous la direction de Benoît Pouget. Comment vous est venue l’idée et l’envie de travailler sur ce sujet ?

Comme je l’esquissais dans la première question, je reste très attaché à la terre qui m’a vu naître, donc à la France et la civilisation européenne. A ce titre, la montée en puissance de la République populaire de Chine (RPC) dans le monde est devenue, proportionnellement, une source d’inquiétude. Plus la RPC battait des records dans le régalien, plus j’avais cette envie de mieux comprendre ses intentions, in fine pour mieux réagir en tant que Français et Européen.

Il y a aussi cette appétence de longue date pour l’histoire, cette passion de l’analyse des relations internationales, et surtout le fait d’en débattre avec des amis. Comment s’exprime la « volonté de puissance » entre les pays ? Faut-il pousser le fonctionnalisme au point de faire advenir un gouvernement mondial ? Faut-il la paix au prix de toutes les concessions ? La RPC fera-t-elle faiblir l’hégémon américain en tenant compte des manques de l’URSS ?

Le mémoire était en fait un thermomètre géopolitique, l’une des facettes de toutes ces questions que j’ai pu me poser. Et, étudier la présence de la RPC dans l’espace maritime euroméditerranéen m’a semblé être une bonne façon de conjuguer mes préférences, mes intérêts et mes craintes. Carrefour incontournable, l’Euroméditerranée m’a semblé être le théâtre idéal à la cristallisation de ces enjeux.

Quelles sont les principales conclusions de ce travail ?

Parmi les nombreuses conclusions que j’ai tirées de ce travail, il est possible d’en retenir quelques-unes :

·         Dans un environnement néolibéral où plus de 80% des échanges commerciaux transitent par les mers, gérer un maximum d’étapes au sein de la chaîne de distribution est un réel gage de puissance. Les grandes nations se mènent ainsi une concurrence féroce afin de maîtriser les principaux opérateurs et infrastructures maritimes. Parmi elles, la génération dirigeante de la RPC, fortement imprégnée de son récent passé, a appris des erreurs des guerres de l’opium. Sa présence sur, sous et autour des mers a donc été hissé au rang de priorité nationale.

·         Atelier du monde, la RPC investit dans plusieurs espaces portuaires afin de sécuriser l’exportation de ses biens et l’importation des matières pour les produire, garantie de sa pérennité. L’Euroméditerranée n’est pas épargnée, les ports étant les portes de l’Union européenne. A la fois immense marché stable et théâtre d’une hétérogénéité politique favorisant l’immobilisme, cet eldorado est une proie parfaite pour Pékin.

·         Dans cette stratégie chinoise d’exportation réfléchie des capitaux, l’espace portuaire sud-européen est vu comme l’aboutissement occidental des Nouvelles routes de la soie (BRI) maritimes. A ce titre, l’Euroméditerranée serait le maillon final d’une longue chaîne portuaire débutant aux ports de la côte est chinoise et passant par Kyaukpyu en Birmanie, Hambantota au Sri Lanka, Gwadar au Pakistan, Mombassa au Kenya et Djibouti.

·         L’importance du déploiement chinois révèle la lenteur de la réaction européenne face à ce qui devrait pourtant être perçu comme une atteinte notable à la souveraineté de chacune des nations concernées. La RPC bénéficie des politiques insuffisamment structurelles et de l’hétérogénéité politique – les deux en raison des alternances démocratiques – tout en établissant une « diplomatie des forums » qui fragmente les Européens, entre public et privé, entre Nord et Sud, entre Est et Ouest. En plus, le discours chinois apparaît comme un vrai caméléon géopolitique qui modifie son contenu selon sa réception internationale.

Ce mémoire a depuis été publié aux éditions L’Harmattan. Comment s’est présentée la possibilité de le publier ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus qui a mené à cette publication ?

Depuis mon plus jeune âge, j’écris, avec le rêve que mes mots ne me soient pas exclusifs. Par conséquent, l’idée que soit accessible un ouvrage à mon nom dans une librairie n’a jamais trop quitté mon esprit.

A mon initiative propre et dès les premiers jours, j’ai donc rédigé mon mémoire comme s’il avait vocation à être publié et devait être reconnu par les pairs. Quand l’on n’a aucun réseau dans cet univers, seule la qualité optimise les chances d’y entrer. Je ne me suis à aucun moment complait dans l’idée de simplement avoir la moyenne, juste pour valider le master. Mon regard se portait plus loin et avait l’ambition d’utiliser cette publication comme un investissement pour le futur. Pour quoi ? Je ne sais pas. Mais j’ai pensé qu’il était toujours plus préférable, déjà, d’avoir un pied à l’étrier éditorial, dans l’hypothèse où mes activités futures me destinaient à utiliser ce vecteur de communication.

Les heures ayant suivi la soutenance, à la mi-septembre, j’ai envoyé mon manuscrit à plusieurs maisons d’édition, via leur site. J’ai été agréablement surpris du court délai de réponse : deux semaines plus tard. Sans chercher à être exhaustif, ce fut un processus plutôt long, moins agréable, où la grande majorité du travail était allouée à l’auteur, en amont comme en aval.

En amont, car toute la mise en page m’était incombée, par l’application très rigoureuse des consignes éditoriales de la maison. Obtention des droits de reproduction pour chaque document utilisé ; adoption du format dicté ; insertion d’une préface ; harmonisation des marges, paragraphes, espaces, alinéas ; conversion des notes de bas de pages aux normes souhaitées, etc.

En aval, car la maison d’édition m’a entièrement laissé la charge de gérer ma communication. Même si certains professeurs de Sciences Po Aix m’ont transmis des contacts – et que je les en remercie – c’est globalement un travail solitaire et de patience qui m’a permis de convaincre radios, revues et journaux. C’est le prix à payer pour être publié chez L’Harmattan en tant que novice.

Que retenez-vous de cette expérience de publication ? Est-ce un projet que vous recommanderiez aux étudiants de l’École ?

Déjà, il est évident qu’une grande fierté émane de cette expérience – expression neutre que j’ai envie de teinter en l’appelant « réussite ». Pour soi comme pour les autres. Rien ne remplacera jamais cette lueur de fierté qui brillera dans les yeux de vos parents. Cette publication reste un refuge, une panacée tangible face à mes baisses de motivation. Elle est la preuve qu’une solide volonté couplée à un esprit rigoureux et ambitieux permet de réaliser ses envies propres. Et que ces valeurs n’existent pas que dans les shōnen ou chez Nietzsche.

Cette aventure a aussi été l’occasion de découvrir un monde que je fantasmais jusqu’alors, en observant la maigre considération attribuée au jeune auteur. Les contrats sont très asymétriques, le rapport de force n’est clairement pas en ma faveur et pécuniairement, je préfère dire que seuls la gloire et l’enrichissement scientifique me guident. C’est totalement compréhensible au vu du fossé entre l’offre et la demande, entre la myriade d’auteurs aspirant à être publiés et les besoins de l’industrie. Je reste malgré tout satisfait d’avoir pu imposer mon ouvrage dans ce monde très concurrentiel où beaucoup sont laissés sur le carreau.

Quant à l’apport professionnel, c’est encore tôt pour en mesurer les effets. Le livre est sorti voici quatre mois, nous verrons bien sur le temps long. Quoi qu’il en soit, étant à la recherche d’une alternance pour septembre, je constate que la publication est un gage de sérieux, qui rend solide la mise en lumière de certaines qualités.

Le recommanderai-je ? Je ne sais pas s’il est bon d’encourager l’ajout d’un nouveau bateau dans un océan déjà saturé à ce point. Mais si c’est votre rêve, foncez et ne vous laissez surtout pas décourager. Rien n’est pire qu’un regret qui nous ronge. Un seul conseil : ne le faites pas pour l’argent, c’est loin d’être un calcul rentable sur le court terme. Qui sait, la rentabilité prendra peut-être une forme moins sonnante et trébuchante…