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Étudiant

Christelle Aziz

Etudiante en Master Expertise en Relations Internationales - Promotion Gisèle Halimi 2025

Cette semaine nous vous proposons de découvrir une de nos étudiantes internationales… Christelle Aziz, une jeune femme libanaise, retrace ainsi son parcours académique qui ne fait pas fi de ses engagements associatifs !

Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours académique ?

Je m’appelle Christelle Aziz, j’ai 22 ans et je suis Libanaise. Actuellement, je suis en M1 et je suis le parcours “Expertise en Relations Internationales” (ERI). À la base, j’ai passé le baccalauréat français en filière “Sciences de la Vie” au Collège de la Sainte Famille Française Fanar au Liban, avant d’obtenir ma licence “B.A. in International Affairs and Diplomacy” de Notre Dame University Louaize (NDU), une université libanaise privée. Au cours de ma licence, j’ai également eu la chance d’être sélectionnée pour effectuer un échange Erasmus+ en Sciences Politique à Paris Lodron Universität Salzburg (PLUS) en Autriche.

Ayant obtenu mon diplôme en décembre 2022, j’ai travaillé dans une ONG – Youth Against Corruption (YAC) – en tant que coordinatrice du projet “ReYACt”, le premier forum environnemental national au Liban qui s’est déroulé en août 2023. En parallèle de mes études, je me suis particulièrement intéressée à la lutte contre la corruption, la consolidation de la paix et le rôle des jeunes dans la politique. Tout ceci m’a mené à l’instant présent : cela fait 7 mois que je suis en France ! Je suis reconnaissante de pouvoir bénéficier d’une telle expérience, et très contente de répondre à ces questions.

Pourquoi avoir choisi la France et Sciences Po Aix pour votre master ?

Continuer mes études à l’étranger a toujours été l’objectif premier de mon parcours. J’avais donc candidaté pour des masters en Belgique et en France – vous pouvez déjà deviner que le facteur de la langue était important pour moi. Dans ma famille, comme c’est le cas d’un grand nombre de Libanais, mes sœurs et moi avons reçu une éducation francophone ; nous écoutons des chansons classiques françaises et lisons des livres en français – ironiquement avec plus d’aisance qu’en arabe ! Donc, choisir la France était quelque chose d’intuitif. Ce n’est pas par hasard que tellement de jeunes Libanais choisissent d’étudier et de travailler ici.

En ce qui concerne mes candidatures en France, j’ai candidaté pour plusieurs établissements avec l’aide de Campus France, mais je ne pouvais pas le faire pour Sciences Po Aix. Néanmoins, j’ai insisté pour formuler une autre candidature spécialement pour cette école. Malgré mon admission en Belgique avec l’obtention d’une bourse, j’ai décidé d’intégrer Sciences Po Aix. Le Master ERI s’aligne avec les perspectives de carrière qui m’intéressent et le programme proposé était selon moi meilleur : des thématiques importantes et innovantes en cours, et un côté appliqué et professionnel comme l’usage de logiciels ou encore la possibilité d’effectuer des stages.

Enfin, je devrais admettre que mon choix d’étudier à Aix est partiellement dû à l’emplacement géographique de la ville. Pour moi, le fait d’être dans le sud de la France apporte un esprit méditerranéen que je trouve familier et donc réconfortant en tant que Libanaise et “voisine” dans ce bassin méditerranéen.

Arrivez-vous à maintenir les engagements associatifs que vous pouviez avoir au Liban ?

Parler de mes engagements associatifs me tient à cœur. J’ai appris que j’ai beau être physiquement en France, je ne peux que me détacher de Beyrouth. J’ai toujours eu des engagements associatifs comme dans l’Association des Guides du Liban que j’ai dû quitter récemment. Mes engagements ont réellement pris leur aspect social et politique en 2019 avec mon adhésion à Youth Against Corruption. Pendant 5 ans et jusqu’à aujourd’hui je me suis consacrée à la lutte contre la corruption. J’ai pu co-fonder une ONG appelée “Advocacy Force for Development and Anti-Corruption in Lebanon” (AFDAL) avec 6 jeunes activistes au Liban. Il s’agit d’une initiative soutenue par le PNUD, le gouvernement du Danemark et l’Union Européenne. À travers notre travail, nous sommes devenus également les membres de la première équipe de travail officielle de jeunes au Liban, suivant l’application de la Stratégie Nationale d’Anti-Corruption et opérant sous la tutelle de l’OMSAR (le Cabinet du Ministre d’État chargé de la Réforme administrative au Liban).

Au niveau de la consolidation de la paix, je suis membre et ancienne présidente du Réseau “Young Women+ Leaders for Peace” (YW+L Lebanon) qui œuvre pour l’adoption d’un plan d’action national pour l’Agenda 2250 de l’ONU sur “la Jeunesse, la Paix, et la Sécurité” en partenariat avec PPM et GNWP. Au niveau des enjeux qui concernent la jeunesse et le politique, je suis membre de “Mada”, un réseau de clubs politiques laïques universitaires, régionaux et syndicaux au Liban dont les principes sont la laïcité, la démocratie et la justice sociale. J’avais précédemment été active au sein du club laïc de mon université. J’ai eu la chance de travailler sur des campagnes pour la réouverture des discussions autour des politiques de jeunesse au Liban pour inciter le gouvernement à prendre des actions tangibles pour qu’il se saisisse des enjeux comme le chômage, le “brain drain”, l’éducation ou encore la santé physique et mentale.

Tout cela pour dire qu’en ce moment, je fais toujours partie de toutes ces associations, mais les circonstances me poussent à limiter mon engagement. Je ne peux pas être présente sur le terrain et je m’absente parfois des réunions virtuelles vu que mon emploi du temps coïncide rarement avec ceux de mes collègues au Liban. Néanmoins, je suis retournée au Liban le mois dernier pour les vacances et j’ai constaté que même pour une courte durée, je ressentais le besoin de retourner à mes engagements associatifs. Aussitôt arrivée à Beyrouth, j’ai par exemple retrouvé les membres de “YW+L” avant même de voir ma mère, j’ai passé mon temps à revoir des collègues et des activistes dans différents locaux, et j’ai pu rencontrer le Ministre de la Jeunesse et des Sports pour négocier un partenariat.

L’intégration en France a-t-elle été difficile ? Vous êtes-vous rattachée à la diaspora libanaise déjà sur place pour vous intégrer ?

J’ai effectivement rencontré des difficultés, mais elles étaient logistiques. Mais ceci mis à part, au bout de quelques mois, je me suis bien intégrée à Sciences Po et à la ville d’Aix. J’ai pu construire ma routine et nouer de belles et fortes amitiés.

J’aimerais aussi partager une anecdote sur mon rapport à la diaspora. Alors que mon voyage approchait, je peinais encore à trouver un logement – d’où la difficulté logistique – jusqu’à ce que mes amis me proposent de lancer une demande sur des groupes Facebook pour les Libanais à Aix et à Marseille. Aussitôt, une famille libanaise française qui habite à Bouc-Bel-Air m’a contacté pour me dire que bien qu’ils ne sachent pas grand-chose sur des studios qui seraient disponibles, ils me proposeraient d’habiter chez eux pour deux semaines le temps que je trouve un logement. Effectivement, j’ai vécu chez cette famille libanaise pour deux semaines comme si j’en faisais partie, alors qu’on ne se connaissait pas. Ensuite, c’est grâce au propriétaire du restaurant Libanais en face de l’université que j’ai déménagé pour passer deux autres semaines dans une autre famille libanaise à Aix avant de finalement trouver un logement stable au Crous.

Je tenais à partager cette histoire pour illustrer les dynamiques qui existent au sein de la diaspora libanaise. J’ai beau avoir voulu être débrouillarde, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans le soutien de la communauté libanaise ici, laquelle est bien présente et active à Aix et à Marseille ! Ce que je trouve particulier chez la diaspora libanaise, c’est qu’elle est vraiment solidaire. Par exemple, durant la crise des Libanais à l’étranger envoyaient à des Libanais qu’ils ne connaissaient pas des médicaments qui étaient en pénurie à Beyrouth pour des patients qui en avaient besoin. Mais je trouve que cette solidarité est bien équilibrée par un désir et une curiosité de se fondre dans le décor, de rencontrer des gens de nationalités différentes et d’apprendre de nouvelles choses. Il n’y a pas de communautarisme renfermé sur lui-même.

Allez-vous rester en France après vos études ? Que peut-on vous souhaiter de mieux pour la suite ?

Le futur reste LA question en suspend… Je songe à rester en France à moyen terme après l’obtention de mon diplôme, soit pour travailler et potentiellement poursuivre mes études au-delà du master. Cependant, sur le long terme, tout dépendra des opportunités qui se présenteront : il se peut que je reste en France ou bien que je parte dans un autre pays… je ne me limite à aucun pays. Idéalement, j’aimerais faire “un peu de tout”’ dans ma vie : ONG, conseil, enseignement, politiques publiques, diplomatie ! J’aspire toujours à faire de mon mieux, à rester consciente de toutes les opportunités, et à prendre une décision informée et enthousiaste à chaque étape.

Retourner au Liban est aussi une possibilité et j’espère pouvoir contribuer de façon substantielle à mon pays. Je ne fais pas partie des jeunes qui ont “divorcé” du Liban, bien que personne ne peut le reprocher à une génération qui vit une crise économique d’ampleur astronomique, une insécurité – comme l’a montré l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 ou encore la guerre face à Israël actuellement dans le sud du pays – et une déception majeure face à la réalité politique du pays.

Néanmoins, je garde un optimisme réaliste et une grande curiosité pour tous les projets qui pourront se présenter. Donc pour la suite, je dirais : souhaitez-moi une carrière pleine et intéressante ! Souhaitez-moi de garder l’énergie et l’intégrité qu’il faut et souhaitez pour le Liban des jours meilleurs !