Antoine Donque

Les 26 et 27 janvier derniers, vous avez participé au prix Mirabeau à Rennes en tant que candidat et président de l’association AixLoquence. Pouvez-vous revenir sur ce qu’est ce concours ?

Le Prix Mirabeau a été fondé il y a 13 ans ! C’est le prix d’éloquence qui rassemble chaque année tous les Sciences Po : il change de ville tous les ans. Au fil du temps, c’est devenu l’un des prix les plus prestigieux en France. C’est un évènement inter-Sciences Po un peu différent, loin de l’agitation d’Artefact et des JISPO. Bien sûr, il y a la compétition, mais cette édition de Rennes avait des allures de café entre intellectuels du verbe. Nous sommes devenus bons amis avec les autres délégations, notamment avec Bordeaux. C’est également un événement plus ouvert qui dépasse le cadre étudiant. 900 personnes de tous les âges ont assisté à la finale de cette 13^e édition.

Le concours se déroule sur deux jours : le premier soir il y a les demi-finales avec les dix Sciences Po du réseau, puis quatre délégations sont sélectionnées pour la finale le lendemain. C’est la délégation entière qui est choisie à partir de la prestation des deux discours et de la joute – c’est-à-dire un débat préparé en vingt minutes. La cohésion de notre délégation nous a permis de passer en finale cette année ! Entre deux discours et la préparation, on visite aussi un peu la ville qui nous accueille, ce qui s’est traduit à Rennes par une surconsommation de crêpes et de galettes.

Pourriez-vous nous présenter les membres de l’association AixLoquence qui y ont participé ? Quels sont leurs atouts respectifs ?

La délégation d’Aix-en-Provence pour cette édition était composée de Perle Liardet et de Youri Reutt en discours, et d’Alix Delpy et moi-même en joute. Perle et Youri qui sont en première année (et étaient dans le même lycée à Aix) commencent déjà à se forger une certaine expérience, mais pour Alix c’était le premier concours !

Ce qui était très intéressant à voir je pense, c’était la variété des styles. Perle est une narratrice hors pair, captivante, elle sait se jouer du public. Youri a un style très efficace, percutant, qui se rapproche du discours politique. Alix a une méthode brillante en joute qui diffère de beaucoup d’autres orateurs. Sa force, c’est d’arriver à défendre un propos en expliquant sa vision plutôt qu’en tapant du poing. Elle est aussi présidente d’AixOnu et ce style diplomatique se ressent dans ses prises de parole.

Personnellement je suis plus dans une performance théâtrale. Je regarde beaucoup ce que fait Fabrice Luchini. Il a un ton et un phrasé qui sied particulièrement bien à l’exercice : un peu cassant, un peu lyrique, c’est un combo qui me plait. Comme président de l’association et comme Aixois (j’y suis né et y ai toujours vécu), c’était aussi une fierté particulière que de pouvoir représenter notre Bonne Maison et notre ville ; mais ça rajoute un peu de pression.

Il faut également parler de nos deux coachs : Valentin Ouziel et Louis Canville ! Notre succès repose sur leurs conseils et leur soutien tout au long du week-end. Ils ont été des coachs formidables de A à Z. Cela a permis de souder notre délégation et de créer une complicité absolument nécessaire.

Comment vous êtes-vous collectivement préparés à l’évènement ?

AixLoquence a organisé des sélections en novembre sous la forme d’un concours interne. Ensuite, c’est le travail (costaud) du bureau d’organiser le déplacement jusqu’aux lointaines contrées bretonnes… L’association organise des ateliers toutes les semaines sur différentes thématiques : de l’écriture du discours à la gestion du stress… Mais dans ce cas précis les orateurs se sont plutôt entraînés individuellement dans un premier temps.

Ensuite au cours du week-end nous avons affiné nos travaux avec l’aide des coachs : une tournure de phrase à améliorer, un mot qui demande plus de passion, une gestuelle à retravailler – ce sont les micro détails qui font souvent la différence – et dans la dernière ligne droite, nous travaillons chaque syllabe !

Bien sûr, pour les joutes, le travail préparatoire est différent car les sujets ne sont révélés que vingt minutes avant le passage et une grande partie du job repose sur de l’improvisation directe : c’est une gymnastique du cerveau qu’il faut comprendre et maîtriser. Trouver le bon mot rapidement, rebondir, déstabiliser l’adversaire, mais sans choquer l’audience… Ça demande également une forme de conditionnement mental.

Quelles étaient les nouveautés de l’édition 2024 ?

La grande nouveauté pour cette édition 2024, c’est avant tout la présence sur scène de l’Orchestre Symphonique Universitaire de Rennes (OSUR). Le Comité Mirabeau rennais a conçu la finale comme une véritable performance artistique et c’était pour nous une expérience extraordinaire que de pouvoir s’exprimer dans ce cadre. L’entracte – souvent long pendant les délibérations du jury – a été remplacé par un concert absolument fabuleux. La musique a sublimé l’art oratoire et les discours ont sublimé la musique. Se sentir artiste plus qu’orateur, je pense que c’est la révolution de cette 13^e édition qui a mis la barre très haute ! L’accueil rennais a été mémorable.

L’autre nouveauté, c’est la création d’un Prix des lycéens – prix qu’Aix a remporté ! Gagner ce prix était hautement symbolique pour AixLoquence qui a tourné son programme cette année vers la démocratisation de l’éloquence en travaillant avec “IEP Pour Tous” dans les lycées en Zone d’éducation prioritaire à Marseille, mais aussi avec les lycéens du Sacré Cœur à Aix qui participent au prix Caritatif organisé avec Interface !

Il faut aussi souligner les thèmes de cette édition, particulièrement philosophiques : « Vivre ce n’est pas que vieillir », « Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde » … et des thèmes comme la barbarie ou la solitude. En plus du Prix des Lycéens, Aix a décroché la 4^e place au Grand Prix avec un jury composé entre autres de Camille Etienne et de Véronique Malbec.

Où peut-on retrouver vos prestations ?

La finale peut être vue ici !

Quels sont les évènements à venir pour AixLoquence ?

L’année 2024 pour AixLoquence va être marquée par un nouveau projet d’envergure : nous lançons le Grand Forum de l’Eloquence, un colloque avec des conférences, des tables rondes, et des lectures de discours pour réfléchir et célébrer les arts oratoires avec des acteurs locaux et nationaux. Il aura lieu le 4 mai !

Nous continuons aussi à nous développer avec la formation des lycéens et puis bien sûr, il y a nos concours d’éloquence. Nous attend le célèbre Prix Cassin pour conclure l’année, et avant cela, la deuxième édition du prix féministe Marguerite Duras avec l’association Mauvais Genre et un petit nouveau, le Prix de plaidoyers pour les droits de l’Homme avec Interface ! L’objectif : rappeler qu’avant toute chose l’éloquence est un médium pour défendre nos luttes et nos espoirs, c’est l’art de véhiculer un message par la beauté de la forme et l’efficacité du fond, et il faut que tout le monde puisse maîtriser cet outil !