Accueil Conférence sur les Mémoires de la guerre d’Algérie | Walter Bruyère-Ostells répond à nos questions

Conférence sur les Mémoires de la guerre d’Algérie | Walter Bruyère-Ostells répond à nos questions

Walter Bruyère-Ostells est Professeur en Histoire contemporaine à Sciences Po Aix mais aussi directeur de la recherche historique du Ministère des Armées.
Il participait ce jeudi 26 octobre à la conférence organisée à Sciences Po Aix autour des Mémoires de la guerre d’Algérie, en présence de Patricia Mirallès,  Secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire. Il revient sur cette rencontre.

Il s’agit du premier déplacement de Patricia Mirallès, secrétaire d‘État aux Anciens combattants et à la Mémoire, dans un établissement d’enseignement supérieur. Pourquoi est-ce important ? Et pourquoi à Sciences Po Aix plus particulièrement ?

Evidemment, dans un établissement d’enseignement supérieur, et a fortiori dans un Institut d’Études Politiques, nos préoccupations croisent celles de la Ministre, et ce au moins à deux égards.
Des préoccupations scientifiques d’abord. Nous sommes un établissement universitaire, un établissement dans lequel la recherche tient une place prépondérante. Venir dans une École comme la nôtre, c’est montrer que pour apaiser les mémoires, pour les réconcilier, la politique publique sur les enjeux mémoriels doit s’appuyer sur les travaux universitaires qui objectivent les faits.
Et puis nous avons en commun des préoccupations pédagogiques. Car il s’agit de transmettre, de diffuser les savoirs. Demain, nos étudiants seront amenés à exercer de hautes fonctions. Leur bonne compréhension de ces enjeux mémoriels est essentielle.

Mais au-delà, Sciences Po Aix est ancré dans son territoire, et apporte une  grande attention aux sujets liés à la Méditerranée, notamment à la question des mémoires de la guerre d’Algérie. C’est un champ de recherche historiquement très important pour l’établissement, qui a accueilli et formé de nombreux experts du monde méditerranéen. Le professeur Jean-Charles Jauffret, grand spécialiste français de l’histoire de la guerre d’Algérie, était d’ailleurs à la tribune pour apporter son éclairage.

En tant qu’historien, que pouvez-vous dire de la politique publique mémorielle portée aujourd’hui par le gouvernement ? Quels sont les enjeux ? Les perspectives ?

Je crois que l’on peut dire qu’il y a une forte volonté présidentielle de tenter de regarder l’histoire en face. J’en veux pour preuve le rapport commandé à Benjamin Stora pour « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». 

Dans ce rapport remis en 2021, Benjamin Stora a fait de nombreuses préconisations fortes dont l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, ou encore la création d’une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les événements et assassinats d’européens à Oran en 1962.    

Patricia Mirallès est notamment en charge de ce dossier et en a fait un sujet prioritaire de son action en tant que Secrétaire d’Etat. Elle mène de nombreuses actions pour participer à cette politique d’apaisement des mémoires sur le conflit, particulièrementautour de la place des harkis dans le conflit.

Vous êtes aussi directeur de la recherche historique du ministère des Armées, basé au service historique de la Défense. Comment cette politique publique mémorielle se traduit-elle concrètement dans les services de l’Etat ?

Ce qui me parait intéressant, et ce à quoi nous contribuons évidemment, c’est l’effort de vérification des faits historiques avant annonce ou décision politique. Sur la question de la reconnaissance de l’assassinat de l’avocat et militant politique Ali Boumendjel pendant la Bataille d’Alger en 1957, les historiens du service historique de la Défense ont accompli un travail remarquable de vérification des faits dans les archives. Ils ont ainsi pu sécuriser l’annonce faite par le Président de la République sur le fait qu’en effet, Ali Boumendjel a bien été assassiné.

Je trouve aussi très intéressant l’effort de mise en ligne de documents d’archives ou de propositions d’activités pédagogiques faites par la Direction de la mémoire, de la culture et des archives  sur le site Mémoires des hommes . Cela répond à notre préoccupation de transmission des savoirs. C’est la manière la plus sûre de continuer à apaiser les mémoires et à montrer la complexité de cette histoire.