Taoufiq Izeddiou

Chorégraphe, pédagogue et directeur artistique de la Compagnie Anania, découvrez le portrait de Taoufiq Izeddiou, artiste associé de Sciences Po Aix pour l’année 2024-2025. À l’occasion du Mosaïque Festival, il évoque dans son portrait la genèse de sa profession, les ambitions qu’il poursuit dans son rôle d’artiste associé de Sciences Po Aix, ce qu’il souhaite transmettre aux étudiants lors du spectacle “Hors du monde” du 25 mars prochain et donne finalement un aperçu de ses événements artistiques à venir.
Vous êtes aujourd’hui un artiste de renommée internationale, comment êtes-vous devenu danseur et chorégraphe ?
Je suis devenu danseur par hasard : j’aimais le théâtre, je faisais des études d’architecture, je faisais de la boxe. En bref, je me cherchais, comme n’importe quel jeune Marocain dans les années 90.
À l’occasion d’un cours de théâtre, j’ai rencontré un professeur de danse américaine qui s’appelait Bradley Miller, dit « Cino », et qui donnait des cours de jazz et de danse classique. C’est ainsi que j’ai découvert la danse, peu à peu le modern jazz, et enfin ce qu’on appelait à l’époque « danse contemporaine » avec de grands chorégraphes tels que Josef Nadj, Mathilde Monnier, Bernardo Montet, Daniel Larrieu : grâce à leurs conseils, j’ai gagné énormément de temps dans mon apprentissage.
À cette époque, j’avais beaucoup d’expérience de vie au-delà de mes études et j’ai pu m’en servir pour construire un univers, trouver une écriture et une dramaturgie qui m’étaient propres. La construction d’un univers artistique dure particulièrement longtemps et ne finit jamais réellement. Ensuite, pour créer une danse, il faut très logiquement des danseurs. J’ai donc dû très rapidement choisir ce que je souhaitais transmettre et apprendre comment transmettre ma vision à mes danseurs.
Faisant partie de cette première génération de danseurs marocains, nous n’avions pas vraiment d’exemple, pas d’école, pas de festival, ni véritablement de compagnie, et nous avons donc dû tout inventer par nous-mêmes. Notre principal enjeu était alors de ne pas tomber dans une folklorisation de nos performances à l’international, et au contraire de défendre les éléments qui faisaient notre particularité et donc notre originalité !
Vous êtes l’artiste associé à Sciences Po Aix dans le cadre la saison culturelle 2024-2025. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené à accepter cette proposition ?
Originaire de Marrakech, je vis à Aix depuis 2013 et je travaille beaucoup en collaboration avec la population aixoise, parfois des amateurs. J’ai, par exemple, mis en place une « danse participative » qui était un premier concept et qui a duré trois ans. Puis j’ai travaillé sur un autre projet à l’occasion de la dernière Biennale d’Aix : « Dansez ma ville », un rassemblement de 100 amateurs qui se sont produits le 9 novembre dernier.
Selon moi, partager mon univers avec les étudiants de Sciences Po Aix est particulièrement important, car je ne me considère pas seulement artiste, mais un véritable acteur culturel : je souhaite montrer à ces futurs décideurs, amenés demain à occuper de grands postes, comment gérer intelligemment un budget et une équipe.
Le mardi 25 mars prochain, vous jouerez votre spectacle “Hors du Monde”. Que souhaitez-vous transmettre aux étudiants de l’École à travers cet événement ?
À travers ce spectacle « Hors du monde » qui se tiendra le mardi 25 mars prochain à l’Espace Philippe Séguin, les étudiants pourront assister à la préparation d’une pièce en résidence, au cœur même de Sciences Po Aix. Ils nous verront alors travailler, construire notre danse, et réaliser ô combien la danse est une discipline sérieuse, qui peut parfois être élevée au rang de science.
Qu’est-ce que c’est qu’un « univers » ? Une « chorégraphique » ? Que signifie une « écriture chorégraphique » ? Une « dramaturgie » ? Comment adapter sa création à n’importe quel terrain ou espace ? Tout cela, nous le partagerons avec les étudiants de l’École !
La rencontre sera très riche et, je l’espère, suscitera des vocations auprès des étudiants qui n’ont pas du tout l’habitude de ce type de processus créatif. En ce sens, je serai curieux d’entendre leurs questions sur ce langage oscillant entre tradition et modernité.
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets artistiques à venir ?
En novembre dernier, nous avons sorti « Danser ma ville », une création chorégraphique participative. Il s’agit d’un énorme projet à succès qui a eu lieu Place de l’Archevêché, juste à côté de Sciences Po Aix, et qui comptait une centaine d’amateurs.
Nous avons donc décidé de diffuser ce projet partout en France d’abord (Amiens, Grasse, Belfort, Mont-de-Marsan par exemple), puis dans le reste du monde (Belgique, Allemagne, Émirats arabes unis, Maroc, Autriche, etc). C’est le concept que nous exportons, ce qui signifie que nous travaillons à chaque fois en collaboration avec la population locales.
Nous souhaitons également exporter le projet « Hors du monde » : il sera joué prochainement dans la plus prestigieuse maison de danse à Düsseldorf, puis partira au Carreau du Temple à Paris, avant de venir ici, à Aix-en-Provence.
Je travaille aujourd’hui sur une nouvelle création nommée « Border dance », la suite de « Danser ma ville », avec cinq danseurs professionnels et quinze amateurs.
À travers tous ces projets, j’essaie de remettre en question la définition de la danse, ses pouvoirs et le rapport au corps. Je souhaite démontrer que la danse n’est pas consacrée exclusivement aux professionnels, mais que l’on peut trouver de la danse vraiment partout. Et cela dépend beaucoup du regard que porte le public sur la danse, avec un « grand D ».
Retrouvez aussi l’interview exclusive de Taoufiq Izeddiou dans le podcast réalisé par l’association étudiante Quali’son.