Asensio Robles
Découvrez le témoignage d’Asensio Robles, titulaire de la chaire Sciences Po Aix/Iméra – Albert Hirschman : Les passions identitaires entre Europe et Méditerranée et professeur associé à l’Université Comillas de Madrid.
Dans son portrait, il présente son parcours, son rôle de titulaire au sein de la chaire Sciences Po Aix/Iméra, la vie d’un doctorant, et donne des conseils aux étudiants de Sciences Po Aix.
Pourriez-vous présenter ? Quel est votre parcours ?
Je m’appelle Asensio Robles et je suis historien de la mondialisation économique contemporaine, de l’intégration européenne et de la guerre froide. Je suis spécialiste de la crise pétrolière des années 1970 et de son rôle dans la transition démocratique espagnole. Ce que je vise à comprendre, en particulier, c’est la relation entre mondialisation et démocratie : comment les crises économiques mondiales ont affecté historiquement les systèmes politiques, et dans quelle mesure les démocraties gèrent ces transformations différemment des dictatures.
J’ai obtenu mon doctorat en histoire à l’Institut Universitaire Européen (IUE) de Florence en 2024 et aujourd’hui je suis professeur associé à l’Université pontificale Comillas de Madrid. Auparavant, j’ai obtenu un Master à l’Université d’Édimbourg, où je me suis spécialisé dans l’histoire des États-Unis. J’ai également mené des recherches à l’Université Columbia et à la LSE en tant que chercheur invité… et me voilà maintenant titulaire de la chaire Sciences Po Aix/Iméra !
Vous êtes actuellement titulaire de la chaire Sciences Po Aix/Iméra – Albert Hirschman sur “Les passions identitaires entre Europe et Méditerranée” : quel y est votre rôle ?
Être chercheur résident à l’Iméra, l’Institut d’études avancées d’Aix-Marseille Université, est un grand privilège. D’abord parce que cette opportunité offre deux ressources de plus en plus précieuses à mesure que l’on avance dans notre parcours académique : du temps et de l’espace pour mener nos recherches.
Ces mois passés entre Marseille et Aix m’ont permis d’avancer dans la préparation de mon prochain livre (sous contrat avec University of North Carolina Press), dont la parution est prévue pour 2027. Mais surtout, ce séjour me permet de commencer un nouveau projet de recherche, dans lequel j’envisage d’étudier, de manière comparée, les processus de démocratisation en Espagne, en Grèce et au Portugal dans les années 1970.
Être ici en tant que titulaire de la chaire Albert Hirschman, grâce au soutien de Sciences Po Aix, constitue un privilège (et une responsabilité) supplémentaire. Cela m’a incité à organiser plusieurs initiatives dans l’espoir de pouvoir contribuer à la communauté locale, qu’elle soit académique ou non. C’est ainsi que j’ai organisé un atelier avec des doctorants de la région et suis intervenu, grâce au soutien du professeur Nicolas Badalassi, dans des cours de master à Sciences Po Aix et à l’Université Paul-Valéry, à Montpellier.
Le 15 janvier 2026, je clôturerai ma résidence par une conférence publique à l’Iméra, consacrée aux origines de la mondialisation contemporaine, au rôle de la dette publique pour les démocraties européennes depuis les années 1970, ainsi qu’aux leçons que l’on peut tirer de cette époque pour éclairer l’actualité. Venez nombreux !
Pouvez-vous décrire la vie d’un doctorant ?
Je ne crois pas qu’il existe une « vie typique » de doctorant, car celle-ci peut prendre des formes très diverses selon des facteurs tels que la présence ou l’absence de financements, les contraintes administratives ou d’enseignement, ou encore la culture académique du pays.
Je ne peux donc parler que de ma propre expérience, qui a été marquée par un certain degré de privilège. Grâce à une bourse doctorale et aux ressources de l’Institut universitaire européen, j’ai pu consacrer plus de quatre ans à l’étude d’un sujet qui me passionnait. J’ai participé à des séminaires stimulants, découvert de nouvelles sources d’inspiration intellectuelle, appris l’allemand et voyagé entre l’Europe et les États-Unis pour travailler en archives et assister à des conférences.
Il y a bien sûr eu des moments difficiles (l’incertitude liée à la pandémie, la pression des publications, les inquiétudes quant à l’avenir) mais ils font partie intégrante de l’expérience doctorale. Malgré cela, je me considère comme privilégié, et j’en ai eu pleinement conscience tout au long de mes études à Florence.
Quelles conclusions tirez-vous de votre rencontre avec les étudiants et doctorants lors de votre colloque “Doctorat en poche… et maintenant ?” du 10 décembre dernier ?
Je crois que l’événement a été enrichissant à bien des égards. Tout d’abord, je suis très reconnaissant envers mes deux collègues, Flavia Canestrini et Ana Struillou, d’être intervenues lors de la séance. Non seulement ce sont d’excellentes chercheuses, mais leurs parcours internationaux nous ont permis d’aborder la scène post-doctorale sous des angles très diversifiés : des financements à l’échelle européenne à la situation du marché académique dans des pays comme l’Espagne, l’Italie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse ou les Pays-Bas.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants de Sciences Po Aix ?
Il est difficile de donner des conseils à quelqu’un sans bien connaître son contexte spécifique. J’ai toujours privilégié l’idée, plus horizontale, de la conversation : mettre en commun des expériences différentes et voir ce qui pourrait fonctionner pour l’autre personne.
Les conseils varient également selon le profil des étudiants et leur niveau d’études. Aux doctorants de Sciences Po Aix, je recommanderais de considérer le doctorat comme une expérience qui va bien au-delà de la rédaction d’une bonne thèse. Ce que je suis aujourd’hui en tant qu’historien doit, en grande partie, aux personnes que j’ai rencontrées et qui m’ont aidé, aux conférences auxquelles j’ai participé, ainsi qu’à mes échecs, aux financements que je n’ai pas obtenus. Avancer dans le monde académique implique de se forcer à sortir de sa zone de confort, d’essayer, d’échouer et de réessayer. « Qui ne tente rien n’a rien », comme vous dites en français.
Faire une licence ou un master comporte d’autres enjeux. Les étudiants que j’ai rencontrés à Sciences Po Aix m’ont très positivement surpris par leur envie d’apprendre, leur esprit critique et leur intérêt pour l’actualité. Nous vivons une époque exigeante, marquée par de nombreuses incertitudes, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Les trajectoires que prendront nos sociétés à l’avenir dépendront en grande partie des portes que les nouvelles générations sauront ouvrir. J’inviterais donc vos étudiants à prendre pleinement conscience du rôle qu’ils pourront potentiellement jouer dans le futur. Mais je crois qu’ils en ont déjà conscience. Vous êtes entre de bonnes mains !