André Cartapanis

Vous serez modérateur le 1ère table-ronde de cette journée. Pouvez-vous nous en dire plus sur la thématique choisie pour cette journée ?

Face à une succession de crises sans précédent (crise de la pandémie du Covid et récession mondiale, guerre en Ukraine, explosion des prix sur les marchés mondiaux de produits alimentaires ou de l’énergie), et en présence de chocs de vaste ampleur touchant les modes de production et l’organisation des entreprises (transition énergétique, taxes carbone, révolution digitale, montée du protectionnisme, rareté accrue des ressources naturelles), on assiste à une reconfiguration des échanges mondiaux que certains qualifient de démondialisation. Mais c’est plutôt d’une nouvelle mondialisation dont il est question, dans un contexte géopolitique empli de menaces, et de nature à conduire à une fragmentation et une régionalisation des échanges internationaux.

Et au premier rang de ces mutations figure la recomposition des chaînes de valeur ou des chaînes internationales de production. Les risques de certaines stratégies de délocalisation, notamment en Asie, ou d’achats de matières premières ou de produits intermédiaires dans les émergents, ont été dévoilés par les ruptures d’approvisionnement lors de la pandémie, et encore aujourd’hui. Les ressources naturelles et les sources d’énergie deviennent des armes au service d’ambitions de puissance. D’où l’émergence de nouvelles stratégies du côté des Etats et des entreprises visant désormais le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement, la résilience ou la sécurité des échanges internationaux, mais aussi la proximité des marchés, bien plus que la pure efficience économique.

Pourquoi avoir choisi d’échanger, plus spécifiquement, autour de la régionalisation des chaînes de valeur en Méditerranée ?

La question centrale que les organisateurs de ce colloque ont choisie est la suivante : la fragmentation de l’économie mondiale et les tensions géopolitiques vont-elles dessiner une nouvelle ligne de fracture entre le Nord et le Sud de la Méditerranée ? Ou bien est-ce là, à nouveau, l’occasion de conforter et d’étendre les complémentarités et les intérêts communs des deux rives ?

Au-delà des positions officielles et des postures politiques, la réponse sera apportée par le jeu des marchés, les stratégies d’entreprises et l’exploitation des potentiels d’échanges et de spécialisation. Et donc par l’ampleur de la régionalisation des chaînes de valeur en Méditerranée. Mais cela dépend des contraintes et des opportunités (économiques et géopolitiques) qu’offre cet espace, comparativement à d’autres zones, en Europe centrale ou en Afrique sub-saharienne ou en Afrique de l’Est, par exemple.

D’où l’intérêt d’un colloque qui réunira des universitaires, des experts d’organismes internationaux, mais aussi des chefs d’entreprises ou des représentants du monde économique et des responsables politiques, du Nord et du Sud de la Méditerranée, afin de dresser un état des lieux, mais aussi pour tracer les pistes d’un renforcement des échanges internationaux et des complémentarités économiques en Méditerranée.

Selon vous, pour quelles raisons est-ce justifié que Sciences Po Aix accueille ce type d’événement ?

Sciences Po Aix a toujours affirmé sa vocation euro-méditerranéenne, s’agissant des programmes de recherche qui y sont menés, des réseaux universitaires ou dans le domaine de l’expertise économique ou géopolitique que pilote ou auxquels collabore l’établissement. Cette expérience explique que les divers partenaires de ce colloque (Union pour la Méditerranée, Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Ministère de l’Europe et des affaires étrangères) aient souhaité que Sciences Po Aix accueille cette conférence en juin prochain. Il faut souligner qu’à côté des sessions plénières, combinant des conférences inaugurales et des tables-rondes, seront organisées des sessions de networking, en présentiel et en distanciel, auxquelles ont été invités des représentants des entreprises et des milieux économiques des deux rives de la Méditerranée afin d’initier et d’amplifier les échanges et les relocalisations dans cet espace. Notre ambition est que cette conférence, au-delà d’une meilleure confrontation des enjeux, puisse aussi susciter de nouveaux contacts et de nouvelles relations d’affaires entre responsables d’entreprises du Nord et du Sud.